samedi 6 mars 2010

De la précarité des étudiants

Quand on est un être acariâtre comme moi, on ne va pas au restaurant avec des amis, on ne se fait pas de toile en amoureux, on ne prépare pas un dîner presque parfait pour ses parents. Mais on sort quand même dans les bars, et c’est précisément ce que je m’apprêtais à faire hier soir.

Alors que je descendais les escaliers, j’entends que ça tape à la porte de l’immeuble. Encore une âme en perdition que je vais sauver et qui me sera éperdument reconnaissante ? A la place d’un pauvre plouc coincé dans la cour, c’est en fait à deux malabars en blousons de cuir que j’ouvre. Mauvaise pioche. Je commence à refermer la porte pour ne pas me faire violer, mais le malabar de gauche annonce d’une voix guillerette : « C’est les éboueurs ! On passe pour les étrennes ! ». Ouf.
Enfin, ouf, pas tant que ça, je n’ai pas du tout envie d’engraisser un peu plus ces espèces de fonctionnaires ! Des étrennes début mars, et puis quoi encore ?! Mais je suis prise au piège : je suis descendue avec mes sacs poubelles à la main. Et pour noircir le tableau, j’entends des gens descendre l’escalier.
Une minute… Peut-être est ce l’occasion rêvée pour se faire bien voir de mes nouveaux voisins ? Après avoir testé le secours puis le pardon, je vais essayer la générosité.

Un sourire obséquieux se coule sur mes lèvres alors que je réouvre la porte et mon sac à main dans le même temps.
« Ah oui, les étrennes, bien sûûûûûr ! Oh, je devrais pouvoir vous trouver un petit quelque chose ! ». Je farfouille bruyamment dans mon porte-monnaie histoire de laisser le temps à mes voisins d’arriver dans le hall de l’immeuble.
Je constate avec satisfaction que c’est un jeune couple qui surgit bientôt. Le billet que je tendais au malabar de gauche (ce doit décidément être lui le meneur) en profite pour disparaître dans sa grosse pogne. Je lance un au revoir ainsi que quelques encouragements à mes chers éboueurs, puis je me tourne vers mes nouveaux voisins.

« Oh, bonsoir, je ne vous avais pas vus ! Vous vouliez peut-être donner quelques étrennes ? ». Ils bredouillent, embêtés. J’ai vu juste, se sont sans doute des étudiants un peu fauchés. « Oh, mais ce n’est pas grave, je leur donné suffisamment pour tout l’immeuble de toute façon ! Je suis Madame Claude. » Les deux jeunes me serrent la main soulagés et polis. Puis je prends vite congé d’eux pour ne pas que mon acte de pure bonté les embarrasse trop.

Je sors une fois pour toute de l’immeuble, balance mes sacs à la poubelle, et cours au bar pour noyer dans l’alcool ce qui est en train de devenir une vraie profession de foi.

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